RDC: vers une crise institutionnelle
28 avril 2020Un nouvel épisode, qui cache un conflit politique latent, est en téléchargement au sein de la coalition au pouvoir.
Les nouvelles affectations dans l’administration publique, signées par la ministre de la Fonction publique, paraît un déclic d’une crise qui n’a pas sa raison d’être pendant que l’ennemi commun, qu’est le Coronavirus, tue impitoyablement.
Le directeur de cabinet adjoint du président de la République, Kolongele Eberande, a, dans une correspondance, demandé à Yolande Ebongo, ministre de la Fonction publique, de sursoir la mise en place et l’affectation des Secrétaires généraux de l’Administration publique qu’elle a effectuées le 16 avril 2020.
Le dircaba de Félix Tshisekedi précise que cet arrêté n’a pas respecté «certaines dispositions légales, notamment celles des articles 19 de la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant Statut des agents de carrière des services publics de l’État».
Cette correspondance a suscité plusieurs réactions au sein de la classe politique congolaise.
Les avis, à ce stade, sont partagés. Une fois de plus, le pays est bipolaire. Il y en a qui pensent qu’il ne revient pas à un directeur de cabinet adjoint, fût-il du Chef de l’État, de demander à un membre du gouvernement de rapporter un arrêté. Ceux qui soutiennent cette thèse, pour la plupart membres du Front commun pour le Congo (FCC), sont contre l’acte posé par Kolongele Eberande et crient à l’imposture, à une dérive dictatoriale.
Pour Me Martin Kasonga, avocat au Barreau de Mbuji-Mayi, il est de notoriété publique que le président de la République nomme et révoque les Secrétaires généraux. Mais, seul le ministre de la Fonction publique, en sa qualité de gestionnaire des ressources humaines de l’administration publique, a le pouvoir de les affecter.
«La politique du gouvernement est conduite par le Premier ministre et non par le Dircaba du président de la République », fait-il savoir. Ce camp dénonce une politisation de l’administration publique.
En face de cette opinion, se trouve une autre catégorie qui a un avis contraire. Pour elle, le Chef de l’État est garant du bon fonctionnement de l’État. Et qu’à ce titre, son cabinet peut formuler cette demande de rapporter un arrêté qui ne respecte pas les lois en vigueur.
« L’arrêté n’est pas annulé, mais rapporté, tout simplement parce qu’il viole certaines dispositions de la Constitution. Il n’y a rien de dictature dans cette correspondance », rassure Me Michel Kazadi, avocat au Barreau de Matete. Pour lui, le cabinet du Chef de l’État sortant a eu, maintes fois, à adresser ce genre de lettres aux ministres.
Fissure inquiétante
Une fois de plus, le pays est segmenté. Aux dernières nouvelles, la ministre de la Fonction publique promet de réagir. Une réunion avec les membres de sa famille politique a même été convoquée quant à ce.
Selon une source proche du dossier, la ministre Yolande ne se laissera pas faire.
Mais, une autre source à la Présidence révèle qu’en dehors de l’état d’urgence qui n’est pas favorable aux affections, il y a surtout le communiqué de la Présidence du 25 janvier 2019 qui interdit de procéder au mouvement du personnel de l’administration publique.
« La ministre connait bien que cette interdiction est toujours en vigueur. Mais, elle cherche tout simplement la petite bête », indique un cadre du CACH.
Un autre cadre révèle que la liste a été falsifiée par la ministre.
À la lumière de toutes ces réactions, il y a lieu de déduire que la coalition FCC-CACH est sur une pente glissante et se heurte, une fois de plus, à une rebuffade.
L’imbroglio, que peut engendrer ce feuilleton, peut amener à une crise. Il y a, quelques jours, l’organisation du Congrès soulevée par les présidents des deux chambres du parlement avait fait l’objet des polémiques, derrière lesquelles se cachait une conjuration pour destituer le Président de la République, selon un cadre du CACH.
Entretemps, les alliés de cette plateforme politique craignaient une éventuelle dissolution du Parlement.
Les exemples, pouvant amener à une crise récemment, sont légion. Il importe de souligner que, depuis la genèse de cette alliance au pouvoir, autant d’événements teintés d’incompréhension et d’interprétation tendancieuse de la Constitution se sont corsés, avec risque de tout faire capoter.
Il a fallu que les deux Autorité morales se rencontrent pour juguler une potentielle crise. Oui, au sein de la coalition, se dégagent disfonctionnements et incohérences, coups bas et rivalités. « Conséquences normales d’un mariage contre nature », ironise un membre du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha).
L’épisode de l’affection des secrétaires généraux risque d’être un déclic à un nouveau bras de fer insoupçonné, susceptible d’engendrer un ouragan au sein de la coalition au pouvoir.
Si crise il y a, les deux alliés savent où cette péripétie les emmènerait. Pendant que la pandémie du COVID-19 sévit à travers l’humanité toute entière, la population attend de ses dirigeants un minimum de retenue et non des conflits larvés qui ne servent à rien.
Bajika Ndeba