RDC: la saisine de la CPI s’impose pour les massacres commis entre 2016 et 2017 dans l’espace Kasaï
25 mai 2020La Cour pénale internationale (CPI) « dispose des moyens d’investigation assez conséquents » pour mener des enquêtes et juger les auteurs des crimes commis dans les provinces de l’espace Kasaï entre 2016 et 2017, a estimé Me Dominique Kambala, Bâtonier du Barreau de Kananga, au Kasaï central.
Dans différents rapports produits par le Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH), le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDHNU), la Cour pénale internationale (CPI), le Barreau de Kananga et plusieurs Organisations non gouvernementales, on est convaincu qu’ « il n’y aura pas d’impunité pour les crimes imprescriptibles qui ont été commis dans les provinces du Grand Kasaï« .
La justice congolaise a montré ses faiblesses
En fait, la justice de la République démocratique du Congo (RDC) a montré ses limites quant à l’instruction d’une procédure judiciaire aux crimes commis dans les provinces du Kasaï, en 2016 et 2017. À cet effet, la saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) s’impose.
Cependant, l’Ong de défense des droit de l’homme, TRIAL International pense que, « s’il est vrai que l’impunité pour les crimes de masse est répandue dans cette province (Kasaï), la réponse doit avant tout se situer au niveau local et national. Notre expérience au Sud-Kivu nous a montré que la justice est possible en RDC. L’impunité n’est pas une fatalité mais il faut que les autorités congolaises, avec le soutien de tous ses partenaires, se donnent les moyens d’agir « , a fait remarquer Danielle Perisi, Responsable du programme Grands Lacs au sein de cette Ongdh basée à Genève (Suisse).
Néanmoins, en conformité à la Politique nationale de réforme de la justice adoptée par le gouvernement congolais en 2017, TRIAL International s’investit pour le renforcement du système judiciaire national afin d’aboutir à la sanction des responsables des crimes internationaux et à la protection des droits des victimes devant les juridictions congolaises.
« Notre action principale est donc le renforcement des capacités des acteurs judiciaires du Kasaï, tels que des avocats, défenseurs des droits humains et magistrats. Notre partenaire au Kasaï, l’ONG Physicians for Human Rights, renforce les capacités du personnel médical et des officiers de police« , a précisé Danielle Perisi.
La Cour pénale international a un rôle subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle n’intervient que si les Etats ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre les suspects. Mais, souligne l’organisation, « le maintien de l’Etat de droit et l’application de la justice pénale reste avant tout entre les mains des Etats« .
Elle ajoute que, la CPI a des capacités limitées qui ne lui permettent pas de se saisir de toutes les situations de violations généralisées et systématiques des droits humains.
Entre 2016 et 2017, les violences récurrentes dans l’Espace Kasaï ont coûté la vie à plus de 3 000 personnes, dont les corps ont été retrouvés dans plus de 80 fosses communes. Des milliers de cas de tortures et de viols ont également été signalés. Cependant, les responsables de ces crimes n’ont, pour la plupart, pas été poursuivis. Car, les victimes se méfient du système judiciaire en place et craignent la stigmatisation.
Cette année (2020), l’Ong, en partenariat avec l’organisation Physicians for Human Rights (PHR), s’investit pour la première fois dans cette région pour lutter contre l’ampleur et la gravité des crimes commis. « Cette collaboration au niveau juridique et médico-légal nous permet de faire des ponts entre le droit et la médecine, de manière à mieux accompagner les victimes de crimes internationaux », a expliqué le Responsable du programme Grands Lacs au sein de TRIAL International.
« Si le mandat de nos organisations diffère, elles se complètent pour garantir un soutien inclusif aux victimes. Je suis très ému de pouvoir lancer ce nouveau projet au Kasaï et étendre ainsi la lutte contre l’impunité en RDC« , a déclaré Danielle Perisi. Avant d’annoncer qu' »au cours des trois prochaines années, nous espérons accompagner des centaines de victimes sur la voie de la justice et des réparations. En parallèle, nous allons former un large éventail d’acteurs locaux au Kasaï de manière à renforcer leurs capacités à utiliser les outils de la lutte contre l’impunité« .
Vivement la Justice internationale!
Pour sa part, le Bâtonnier du Barreau du Kasaï-Central, Dominique Kambala Kongolo, plaide pour que les crimes graves commis dans l’espace Grand Kasaï soient portés par-devant la Cour pénale internationale.
Il estime aussi que « les difficultés matérielles, financières et humaines que connaît la justice congolaise ne lui permettent pas de juger correctement les auteurs » de ces crimes. Me Dominique souligne certains facteurs objectifs qui permettraient à la CPI de se saisir de cette procédure judiciaire.
Il estime que, dans le cadre des engagements de la RDC, en tant que pays signataire du Statut de Rome, on peut déférer la situation du Kasaï à la CPI .
S’assumer
» La Cour Pénale Internationale dispose des moyens d’investigation assez conséquents pour mener des enquêtes et juger les auteurs des crimes commis dans les provinces du Kasaï », a-t-il assuré. Et de poursuivre : « Les exhumations des fosses communes, des tombes parcellaires, ça demande une contribution médico-légale. Tout cela n’est pas à la portée de main de la justice congolaise« .
Les massacres des civils dans la commune de la Nganza, à Kananga (Kasaï Central) en mars 2017, n’a toujours pas donné lieu à des poursuites judiciaires alors qu’une mission d’enquête a été effectuée.
« La justice congolaise connaît des carences criantes en termes d’effectifs, en termes de moyens logistiques, de moyens matériels, de moyens financiers. Et si l’on attend, j’ai l’impression qu’on risque d’attendre jusqu’aux calendes grecques. Cette réponse judiciaire vis-à-vis des victimes vulnérables de Tshisuku, de Nganza, de Mulombodi, de Tshimbulu, de Katoka, les victimes ne l’auront jamais de cette justice », redoute le bâtonnier du Kasaï Central qui invite l’État congolais à «s’assumer».
Par ailleurs, Me Kambala demande au président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, d’agir « comme l’a fait son prédécesseur en 2004 à l’occasion de la situation de l’Ituri, de déférer la situation du Kasaï à la Cour pénale internationale».
Dans leur rapport remis au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, les experts internationaux avaient fait état de crimes graves commis par les forces de l’ordre et les miliciens, lors des violences qui ont déchiré le Kasaï en 2016 et 2017.
Ils ont, notamment, documenté de nombreux cas de meurtres, de viols, d’utilisation d’enfants lors du conflit.
Par Stanislas Ntambwe
Pour apporter une précision nécessaire au contenu indiqué ci-dessus, TRIAL International n’a pas demandé la saisine de la CPI sur la situation au Kasai.
S’il est vrai que l’impunité pour les crimes de masse est répandue dans cette province, TRIAL International croit que la réponse doit avant tout se situer au niveau local et national. En conformité à la Politique nationale de réforme de la justice adoptée par le gouvernement congolais en 2017, TRIAL International s’investit pour le renforcement du système judiciaire national afin d’aboutir à la sanction des responsables des crimes internationaux et à la protection des droits des victimes devant les juridictions congolaises.
Notre action principale est donc le renforcement des capacités des acteurs judiciaires du Kasai, tels que des avocats, défenseurs des droits humains et magistrats. Notre partenaire au Kasai, l’ONG Physicians for Human Rights, renforce les capacités du personnel médical et des officiers de police.
La Cour pénale internationale a un rôle subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle n’intervient que si les Etats ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre les suspects. Le maintien de l’Etat de droit et l’application de la justice pénale reste avant tout entre les mains des Etats. De plus, la Cour pénale internationale a des capacités limitées qui ne lui permettent pas de se saisir de toutes les situations de violations généralisées et systématiques des droits humains.
Le représentant de TRIAL International n’a pas été consulté avant publication de cet article.