Épisode Kabund : le FCC se dévoile
17 juin 2020Le FCC n’a pas encore besoin de passer par personne interposée pour contraindre Jean-Marc Kabund à céder, malgré lui, son fauteuil au Bureau de l’Assemblée nationale. C’est le PPRD qui prend le devant en signant un autre scandale, initiant une autre pétition, alors que l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’est pas encore rendu sur la destitution de Kabund.
Le feuilleton du dossier Jean-Marc Kabund, président a.i. de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et premier vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale fait jaser et prend l’allure d’un véritable pugilat.
Après sa destitution qu’il qualifie d’irrégulière, le président intérimaire de l’UDPS a sollicité auprès du Conseil d’État l’annulation pure et simple de sa déchéance. Cette juridiction avait jugé la requête recevable et fondée.
Pour ce faire, le Conseil d’État demanda au Bureau de l’Assemblée nationale de surseoir l’élection du remplaçant de Jean-Marc Kabund, en attendant l’arrêt de la Cour constitutionnelle.
Le péché commis par les élus nationaux est celui d’avoir refusé intentionnellement d’obtempérer à la décision de la justice. Ils optent pour un bras de fer qui leur tourne au vinaigre, malheureusement. Leur forcing ne sera qu’un feu de paille. Ils se sont heurtés à une rebuffade de la part de la police et sont restés des heures debout devant le Palais du peuple comme des supporters qui attendent l’ouverture du stade lors d’un classico kinois.
« Je les ai comparés aux parieurs de Winner et de PMU« , regrette Sidonie Bokitila, étudiante à l’Université nationale pédagogique (UPN).
Pendant que le monde a les yeux tournés vers la Cour constitutionnelle qui doit prononcer son arrêt sur ce dossier, une autre pétition est initiée à l’Assemblée nationale, avec déjà plus de 200 signatures récoltées contre Jean-Marc Kabund. Cette fois-ci, c’est le Front commun pour le Congo (FCC) qui a toujours agi à visage couvert qui se dévoile.
Lors de la première pétition, il avait téléguidé le député du Mouvement de libération du Congo (MLC). Cette fois-ci, c’est à l’initiative du président du groupe parlementaire PPRD, François Nzekuye.
L’opinion se demande les raisons de cet empressement qui s’apparente à un acharnement contre l’élu de l’UDPS. Parmi ces signataires, il y a des juristes et des professeurs d’université, mais qui interprètent tendancieusement les textes et lois du pays.
Un peu d’élégance
« Même si le pouvoir avilit et l’argent corrompt, ce n’est pas de cette manière que les élites devaient se comporter« , s’inquiète une enseignante de l’école primaire Sainte Anne de la Gombe. » Même si l’on a une haine viscérale contre quelqu’un, on agit toujours avec élégance, surtout à ce niveau de responsabilité « , commente-t-elle.
De son côté, le jeune Oierrot Ngongo, en furie, s’interroge : » Pourquoi le FCC évite à tout prix Kabund a Kabund ?« . Aux dires des uns et témoignages des autres, Jean-Marc dérangerait les intérêts du FCC qui pérennise son ancien système.
Une source proche du Bureau de l’Assemblée nationale révèle que les députés se sont révoltés parce qu’il leur a été révélé que c’est Kabund qui bloque le projet de l’augmentation de 2000 USD sur leurs émoluments.
» Le président a.i. de l’UDPS s’oppose constamment aux projets d’octroi des avantages excessifs aux élus nationaux. Voilà qui justifie cet acharnement indécent contre sa présence au Bureau de l’Assemblée nationale« , ajoute la même source.
Le député François Nzekuye, initiateur de la deuxième pétition estime, pour sa part, qu’il ne s’agit pas encore d’une pétition. « C’est un acte de révolte, mais aussi politique « , martèle-t-il.
Pour lui, cet acte démontre à suffisance que les députés nationaux ne sont plus solidaires à Jean-Marc Kabund.
» Et même alors, pourquoi ne pas attendre l’arrêt de la Cour constitutionnelle ? », s’interroge Odette Mwando, activiste des droits humains qui pense que le FCC s’est rendu compte que la destitution de Kabund était illégale, irrégulière et irréfléchie.
» Si la Cour réhabilite Jean-Marc Kabund, je suggère à ce dernier de démissionner juste après par élégance, ce, pour montrer à ses bourreaux qu’il lutte pour la légalité et non pour le poste. Il leur administrera une leçon et en sortira grand « , conseille Raymond Mabanga, un octogénaire habitant la commune de Lemba.
À la vue de toute cette guerre qui déchire la coalition FCC-CACH, le député national Claudel Lubaya préconise, à travers un tweet, le divorce de ce mariage « contre nature ».
« Ceci est le prix à payer pour le développement du pays« , estiment plusieurs analystes de la situation politique de la RDC. « Et maintenant que le FCC agit à découvert, le pire est à craindre« , alerte un timonier. « Il faut arrêter l’hémorragie quand elle commence « , conseille un sage anonyme.
Bajika Édouard