RDC: la justice arrête son patron

RDC: la justice arrête son patron

28 juin 2020 0 Par Rédaction

Cet événement, qui s’apparente à une insolite, est une première dans l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) qui célèbre, le 30 juin 2020, les 60 ans de son accession à la souveraineté nationale et internationale.

Réputée la nation la plus corrompue au monde, la RDC connaît, depuis l’avènement du nouveau régime le 24 janvier 2019, un activisme de la justice qui traque les détourneurs intellectuels, les ministres et DG des entreprises brillent par leurs antivaleurs, dont l’abus de pouvoir et le pillage des ressources du pays de Lumumba.

Ainsi, Célestin Tunda Ya Kasende, vice-Premier ministre. ministre de la Justice et garde des Sceaux, a été arrêté samedi 27 juin 2020 et conduit à la Cour de cassation.

Après son audition, le patron de la Justice est placé en résidence surveillée et sous haute sécurité policière.

Selon une source judiciaire, la procédure va se poursuivre, lundi 29 juin 2020, et son procès sera organisé en procédure de flagrance à la Cour de cassation.

Le procureur près la Cour de cassation lui reproche le fait d’avoir envoyé, au nom du gouvernement et sans l’accord de celui-ci, des avis sur les propositions de lois initiées par le Front commun pour le Congo (FCC)et qui préconisent la réforme judiciaire.

Elles sont à la base du courroux qui a gagné tous les Congolais, sauf ceux du FCC.

 » Tunda, ce magistrat ayant fait plus de 40 ans de carrière dans la magistrature, ne pouvait commettre une telle erreur que commettrait peut-être un avocat stagiaire « , s’est étonné Zacharie Bababaswe, député national honoraire au micro de  » Bosolo na politik« .

Comment en est-on arrivé là ?

Selon une analyse de plusieurs observateurs, le FCC avait toujours été à l’aise depuis l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir.

Ainsi, certains politiciens ont crié à une dualité au sommet de l’État.

« C’est Kabila qui dirige, Tshisekedi n’est qu’un exécutant« , répétaient-ils à longueur de journées.

Mais, le calme au FCC a été brutalement interrompu au mois de février 2020 lorsque, contre leur attente, Tshisekedi procéda à la nomination de nouveaux hauts magistrats à la Cour de cassation, au Conseil d’État ainsi que les procureurs généraux près la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle et le Conseil d’Etat.

Nehemie Mwilanya, coordonnateur du FCC s’était précipité d’affirmer que ces ordonnances ne seront pas exécutées car le Premier ministre ne les a pas contresignées.

Il n’était pas bien informé apparemment car, Ilunkamba les avait bel et bien contresignées sans tambour ni tempête.

Ce qui fait que l’autorité morale du FCC n’a. dès lors, plus confiance au Doyen Ilunkamba.

Contre-offensive

Depuis le mois de mars 2020, Tunda ya Kasende entreprit des manœuvres pour contrôler l’appareil judiciaire, mais sans succès.

Début avril 2020, il a écrit au président de la Cour constitutionnelle, Benoît Lwamba qui est aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature, pour l’informer que le ministre de la Justice veut faire une tournée d’inspection de tous les Cours, tribunaux et parquets.

Sans atermoiements, Benoît Lwamba a répondu à Tunda ya Kasende que la Constitution ne lui reconnaît pas cette compétence.

Ensuite, lorsque Patient Sayiba, DG de l’OGEFREM, a été interpellé au Parquet, le même Tunda a écrit au PGR près la Cour de cassation pour demander la communication du dossier.

Sans froid aux yeux, Victor Mumba, PGR près la Cour de cassation, lui répondra par un non catégorique en lui brandissant la Constitution.

Tunda déclara un jour, sur Top Congo fm, que depuis qu’il est ministre de la Justice, le président Felix l’a déjà appelé plus de 25 fois au téléphone pour lui dire de ne pas s’ ingérer dans les affaires de justice.

Comme si cela ne suffisait pas, le ministre de la Justice saisit le Conseil d’État en interprétation de la loi pour connaître l’étendue de son pouvoir d’injonction sur les magistrats du Parquet.

Il y a moins d’une semaine, le Conseil d’État a rendu son arrêt pour signifier à Tunda qu’il n’a ni le pouvoir disciplinaire sur les magistrats, ni le pouvoir de s’ingérer dans les dossiers judiciaires.

C’est ainsi que Tunda, en complicité avec sa famille politique, a initié 3 propositions de lois pour casser l’indépendance de la justice.

Leur allié, l’UDPS, a rejeté ces propositions de lois, des manifestants ont envahi le Palais du peuple pour dire « non ».

Les magistrats les ont rejetées, la société civile a regimbé. L’Église catholique a menacé, …

Nonobstant ce rejet en bloc, le FCC tient toujours à ces 3 propositions de lois, estimant que, pour lui, « c’est une question de vie ou de mort« .

Comme ce sont des propositions de lois organiques, la Constitution exige que le gouvernement donne d’abord son avis avant qu’elles ne soient examinées au Parlement.

Lors du Conseil des ministres du vendredi 26 juin 2020, le président Félix Tshisekedi est surpris d’apprendre que Tunda a déjà remis à l’Assemblée nationale « l’avis du gouvernement » depuis le 18 juin, en catimini.

Ce qui constitue non seulement une insoumission, mais aussi et surtout, une infraction de faux et usage de faux.

Voilà qui explique la procédure judiciaire en cours. En effet, en procédure de flagrance, il n’y a pas de formalité ni d’immunité, quand on est pris la main dans le sac.

 » Dans la procédure de flagrance, il n’y a pas présomption d’innocence, car on vous attrape en plein succès, il y a plutôt présomption de culpabilité « , clarifie Me Donat Ngombo, avocat au Barreau de Kikwit .

« Et voilà Tunda, qui voulait domestiquer la justice, sera devant les juges pour subir l’État de droit. Est donc pris qui croyait prendre« , s’esclaffe un Congolais en furie.

 » Les amis du FCC doivent s’habituer avec l’État de droit et se convertir. Si non, ils finiront pour la plupart par rejoindre le directeur de cabinet du Chef de l’État « , prévient un cadre proche de Franck Diongo.

À la question «  Est-ce toi Tshisekedi qui instaure l’État de droit, ou devons-nous en attendre un autre ? « , Félix répond par intermédiaire :  » Allez dire aux autres ce que vous voyez et entendez: le directeur de mon cabinet est en prison, les DG des entreprises ayant volé sont à Makala, et même le patron de la Justice est traîné devant la justice« .

À la vue de toutes ces péripéties, l’ambassadeur américain Mike Humer twette : » La tempête arrive ».

Bajika Édouard