RDC : les jongles «à la Messi» et le «Mbata ya mukolo» de Tshisekedi
23 juillet 2020Le Front commun pour le Congo (FCC) n’avait pas vu venir la « sale carte » que Tshisekedi lui a jouée. Alors qu’elle consultait le dictionnaire pour sortir tous les bons mots qui pouvaient qualifier le discours rassembleur de leur allié, tenu à Brazzaville, la plateforme de Joseph Kabila a été surprise par les soudaines nominations présidentielles dans l’armée, la magistrature et dans certaines structures publiques.
Il y avait péril en la demeure. Tshisekedi, qui se trouvait à Brazzaville, semblait être allé s’informer sur la célèbre opération policière « Mbata ya mukolo » (en lingala traduit en français littéral par « le coup de poing d’un adulte »). Et là, la sauce lui donnée, lors du dîner d’accueil, par son homologue Denis Sassou N’gwuesso, était assaisonné d’une certaine épice brazzavilloise « Sassoufit » (du nom de Sassou), inspirant au fils d’Etienne Tshisekedi une halte au sein de sa coalition (FCC-CACH).
« Ça suffit », semble-t-il avoir lancé en tapant du poing sur la planche. Et Sassou de lui dire : « vas-y, c’est le moment ». Quand il sort de l’échange avec son hôte, Tshisekedi sort de sa gibecière un somnifère qu’il inocule dans la classe politique congolaise. La cible : ses partenaires du FCC. Tel un coronavirus qui contraint à la quarantaine, son propos « on ne tend pas vers une rupture », confine le FCC dans le plaisir de lui jeter des fleurs.
Pendant ce temps, il envoie, un certain Ilunga Ilunkamba, voisin du majestueux Fleuve Congo et bien rafraîchi par l’air qui vient de Brazzaville, en mission officielle à Lubumbashi. Une mission officielle ? Les moqueurs ont la matière, car en réalité ce n’est qu’un bon débarras en l’envoyant s’embourber dans les méandres de la recrudescence des discours ethno-tribaux. Ilunga croque à l’hameçon, les frais de mission sont conséquents pour lui qui n’a que, très rarement, voyagé et touché aux primes de mission. Il y va en bon et fidèle messager du Président de la République, mais laisse un champ libre à un Tshisekedi, véreux, de réaliser son plan.
Fatshi procède à ces fâcheuses nominations dans l’armée et la magistrature. Du côté de Kingakati, les cris de la trahison montent tout de suite. « Ilunga se serait entendu avec l’enfant de la 10e rue ». Ce n’est qu’une incrimination. Ilunga sort de sa torpeur et se défend mais de mauvaise manière.
Sa déclaration pousse le FCC à un revirement après s’être rendu compte qu’il venait de recevoir un « mbata ya mukolo » d’un certain Tshisekedi que plusieurs avaient souhaité voir succéder à Kabila, « car idiot et faible à manipuler ».
On subit, on dénonce
Il dénonce la violation de la Constitution. Ilunga, lui-même, demande, dans sa mise au point, à rencontrer le Président pour tirer les choses au clair. Une demande d’audience publique comme si entre lui et son Président, la distance devenait comme celle entre Kinshasa et Kuala-Lumpur. « Mais Ilunga a péché », notent les analystes. « Il ne peut pas, en tant que Premier ministre, avoir un porte-parole car il n’est pas une institution. Son point de vue devait engager tout le gouvernement », font-ils observer.
Et donc, c’est le porte-parole du Gouvernement, un certain Jolino Makelele, l’un des cadres UNC qui tiennent à la plateforme CACH, qui devait s’en charger. Allait-il endosser une telle déclaration dont l’intention manifeste est de manquer du respect à son autorité morale ? Non. Ilunga, sachant cela, a préféré son porte-parole d’occasion.
Mais sa déclaration le trahit aussi, car la langue qui parle trop, pèche beaucoup. Il oublie cette autre disposition constitutionnelle qui souligne qu’en cas d’empêchement du chef du Gouvernement, son intérim est assuré par le membre du Gouvernement qui a la préséance. C’est cette disposition qui est le point de départ de Fatshi. Ses partisans ne cessent de le démontrer en s’appuyant même sur plusieurs jurisprudences qu’a laissées le FCC, durant ses 18 ans de règne.
Tout se passe et se dit pour ainsi persuader les caciques du FCC que Fatshi n’était pas idiot en publiant ces ordonnances sans le contreseing du Premier ministre. Il semble avoir mûri sa démarche jusqu’à asséner ce coup de poing agitateur. Le FCC semble paniqué car certaines de ses cartouches mouillées par la pluie venue de Brazzaville.
Les manœuvres à la Cour constitutionnelle ralenties ; la magistrature renforcée par des cadres venus du ciel de l’Etat de droit ; les trous stratégiques de l’armée bouchés par certains officiers qui doivent allégeance au président Tshisekedi…il y a de quoi entendre Kabila s’essouffler et crier à la trahison. Où étaient les intelligences de Kingakati et la prudence des FCC ? Tous sont surpris.
Tshisekedi a jonglé à la Messi et dans la perche, il y avait un FCC, à l’image du gardien zimbabwéen Elvis Chipezeze, qui avait réalisé un match calamiteux lors de la défaite zimbabwéenne face à la RDC (0-4), en 2019, permettant à la RDC de se qualifier au prochain tour. De plus en plus, la 10e rue fait ressortir les faiblesses d’une superstructure qui s’est, toujours, vanté de sa maîtrise interdisciplinaire. Pour l’heure, « ce mbata ya mukolo » fait mal.
Par Ric KAP