UDPS : du combat de la rue à celui dans les institutions
31 juillet 2020Plusieurs signes avaient annoncé la mort de César dans les jours précédant les ides de mars. Mais il n’en avait pas tenu compte.
L’haruspice Spurinna, lors d’un sacrifice, lui a demandé de se méfier des ides. Un matin, sa femme Calpurnia rêvait de sa mort et lui a demandé de ne pas se rendre au Sénat. César a hésité, mais Decimus Brutus, est venu le chercher chez lui, l’a persuadé de venir.
Peu avant d’entrer au Sénat, l’un de ses agents informateurs, Artémidore, lui a tendu une supplique donnant tous les noms des conspirateurs. César l’a pris sans la lire. Il apostropha alors Spurinna : « Les ides de mars sont arrivées« . » Oui, mais elles ne sont pas encore passées« , a répondu le devin.
Cette histoire réelle de la mort de César demeure présente dans la tête du cinquième Président de la République démocratique du Congo (RDC). Il s’en sert quotidiennement, ce qui lui permet d’échapper aux multiples conjurations à la Catilina.
La mort de César ! Beaucoup de situations au Congo Kinshasa s’y calquent. M’Zee Laurent-Désiré Kabila en sait quelque chose. Actuellement l’Union pour la démocratie et le progrès social (Udps) y fait face. Ce parti du Sphinx avait choisi de mener son combat pacifique dans la rue contre toute forme de dictature.
Pendant trente-sept ans, les combattants de la liberté de l’Udps s’étaient exprimés dans la rue à leurs risques et périls, enregistrant un grand nombre de morts et blessés dans leurs manifestations. Mais aussi des brûlés vifs à la permanence, sans compter des emprisonnements et relégations. Un long combat mené par le viel opposant, Étienne Tshisekedi wa Mulumba contre les anti-valeurs au profit de l’instauration d’un Etat de droit.
Moïse le libérateur s’en est allé, Josué a conduit le peuple à Canaan. Mais icii, ils doivent faire face aux gens de la famille du géant Anaq. Du coup, le combat change de nature et des stratégies.
L’Udps a cru triompher en accédant au pouvoir. Mais c’était sans savoir qu’un autre combat venait de commencer. Mortal Kombat. Si hier le parti se battait dans la rue, aujourd’hui elle se bat dans les institutions. Le contexte de la lutte a changé. Ce n’est pas devant les policiers avec armes et gaz lacrymogènes que le parti présidentiel a à faire. C’est plutôt la « Pax Romana (la conquête romaine) », un combat à la Catilina, à la Brutus.
Changement de ring
Le combat de la rue se livre maintenant à l’Assemblée nationale. En écartant Jean-Marc Kabund, le FCC a gagné le premier round. Le deuxième c’est au gouvernement. Là, l’Udps égalise en défenestrant Tunda Ya Kasende qui, pourtant, comptait sur Ye meyi.
Le parti présidentiel enchaine les victoires au troisième round par des nominations dans l’armée et l’appareil judiciaire. Le FCC s’agite, menace, remue ciel et terre. Peine perdue. L’arbitre qui est le peuple a déjà validé le but. Les perdants de ce troisième round ne s’avouent pourtant pas vaincus. Ils se relèvent, dissimulent leur défaite et essaient de colmater les brèches.
Les pronostics sont provisoirement en faveur de l’Udps, difficile de parler du CACH, parce que là aussi c’est un autre combat. Il s’agit des rapports des forces. Le tout est dicté par la reconfiguration de la nouvelle majorité où chien et chat peuvent s’apprivoiser. Oui, c’est normal en politique où seule la permanence des intérêts prime.
L’Udps tient-elle compte des alertes de ses informateurs ? Si hier ils avaient à faire aux agents de l’ordre, aujourd’hui, ils vivent ensemble à l’Assemblée nationale, au gouvernement, dans toutes les institutions. Des antagonistes vivent comme protagonistes. C’est ça la coalition.
L’instauration d’un Etat de droit a un prix. L’Udps s’y approche dans des conditions très dangereuses, périlleuses. Si elle tient bon jusqu’au bout, elle en sortira victorieuse, et le peuple, premier bénéficiaire, vivra heureux à Canaan. Le contraire risquerait d’annihiler tous les efforts et sacrifices parfois suprêmes de trente-sept ans de lutte.
L’Udps connait Marc Aurel, Brutus et le devin. Se laisser distraire pour les trois rounds gagnés, peut s’avérer fatale. La victoire c’est au dernier round. Le changement de plan est inévitable. L’épisode césarien doit servir de leçon, maintenant que le combat a quitté la rue pour les institutions.
Par Édouard Bajika