Rentrée parlementaire : Kabila, un loup sorti de la tanière ou un somnifère pour le FCC
15 septembre 2020La session ordinaire de septembre du Parlement congolais est en train de réaliser ses promesses. Au premier jour, le jour de la rentrée, les élus nationaux, plutôt les élus du FCC, ont applaudi la rentrée politique de leur autorité morale : Joseph Kabila. C’est l’invité surprise. Sa photo avec l’écharpe aux couleurs nationales n’a fait qu’émouvoir la toile congolaise. Cette rentrée coïncide avec les calculs de certains caciques du FCC qui misent sur la mise en accusation du président de la République en vue de sa destitution.
Le sénateur à vie Joseph Kabila est-il venu pour amortir les ardeurs des « fils ambitieux » du FCC ou pour mettre l’huile sur le feu de la destitution de son successeur ? Les analyses de sa présence à l’ouverture de la session ordinaire de septembre de deux chambres du Parlement, ne font que diverger.
Comme un Lionel Messi qui rentre sur terrain, en deuxième mi-temps alors que son équipe est menée, Joseph Kabila a la carte à jouer pour remettre son FCC sur le rail. Sa rentrée politique, qui intervient, pour la toute première fois de la législature en cours, après les nominations controversées de son partenaire Tshisekedi dans l’armée et justice, donne la matière à réflexion.
Kabila est-il venu préparer quelque chose ?
« Quelque chose se prépare. Le loup est sorti de sa tanière, pour que ça pète », a lancé un cadre du FCC. Cette interprétation de la présence de Joseph Kabila à l’hémicycle du Palais du peuple est sensationnelle. La seule personne à connaître ce qui se prépare, c’est Kabila lui-même qui a l’autorité sur tous les cadres du FCC. « C’est un message : tout va se jouer désormais dans le cadre institutionnel », confie un des proches collaborateurs de l’ancien président.
Le tout qui doit se jouer dans le cadre institutionnel, c’est par exemple les réformes à entreprendre au niveau de la centrale électorale. Kabila, qui n’a pas reçu le G13, ces personnalités qui militent pour le consensus sur les réformes électorales, semble dire que tout doit se traiter là où il a la majorité parlementaire. Mais c’est un message calculateur et piège pour le CACH qui en a marre de la coalition.
Les dossiers qui fâchent
Plus d’une fois, la majorité du FCC au Parlement a été qualifiée d’artificielle et de diabolique. Pourtant, c’est elle qui devrait aborder le « tout dans le cadre institutionnel ». Ce tout comprend alors tous les dossiers, pomme de discorde entre les deux plateformes de la coalition au pouvoir : lois Minaku-Sakata sur la réforme de la justice avec comme idée cachée contrer l’audacieux Etat de droit de Tshisekedi ; les nominations à la Cour constitutionnelle; le refus par la présidence d’investir, par ordonnance, le controversé Roland Malonda à la tête de la CENI; la motion restée pendante contre le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur, le CACH Gilbert Kankonde, l’homme par qui le scandale du contreseing des ordonnances présidentielles est passé.
C’est sans oublier l’intrépidité audacieuse du duo Fayulu-Ngoy qui peut se jouer sous l’arbre à palabres. Kabila enfoncerait le clou dans la plaie en poussant, comme l’ont voulu Fayulu et Ngoy, les deux chambres du Parlement à la mise en accusation du chef de l’État pour violation intentionnelle de la Constitution ? La session de septembre est de tous les enjeux, qui peuvent encore faire résonner les tympans politiques.
Si certains cadres du FCC ne s’accrochent qu’à « quelque chose se prépare », les fins observateurs se lancent dans l’imprévisibilité du sénateur à vie. Lui, dont les qualités de pacifiste et la passion du Congo ont été vantées, pourra-t-il vouloir détruire ce qu’il a pu construire à travers l’alternance pacifique au pouvoir qu’il a facilitée ? C’est là que certains analystes voient les dribles de Joseph Kabila contre son camp.
Et si c’était pour faire dormir le FCC !
« Kabila a l’art de dribler. Il vous drible à tous les coups. Vous avez chanté « wumela, shikata, seko na seko », mais il a décidé de quitter le pouvoir. Là vous chantez « zonga, zonga na 2023 » et lui décide de siéger à vie au sénat », fait observer un internaute aux cadres du FCC qui estiment que cette session est de tous les enjeux et dangers. De l’analyse du point de vue de cet internaute, Kabila joue une autre carte que celle voulue par la bande de ses anciens collaborateurs (Tambwe Mwamba, Mwilanya..).
En réalité, l’ancien président a déjà pris l’habitude de déjouer intelligemment les plans de son camp. Là, il faut scruter qu’il semble jouer pour sa propre protection et celle de ses biens. La stratégie est claire : il aurait lâché tous ses anciens collaborateurs sans le leur signifier clairement. La prudence l’oblige ! Comme il n’a plus confiance en eux, il exploite plus son côté imprévisible. « Quand on l’attend à gauche, il apparaît à droite ».
Kabila laisse parler encore l’opinion comme à son habitude. Sa rentrée politique scrutée sous deux angles : donner le coup d’accélérateur à la machine de destitution de son successeur et déjouer ces molles intentions de certains cadres du FCC. Si le premier angle est celui que lui-même a choisi, là il y a risque de voir le Congo à feu et à sang. Dans cette optique, il est clair que sa plateforme est sous le feu d’en découdre avec cette grande frange de la population qui désire le changement, que lui propose le régime en place actuellement.
Par Ricky Kapiamba